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  • Photo du rédacteurEsther Lie

L'île de Bouvet

C'est le sujet du moment, alors pourquoi pas l'exploiter ! Cela nous a permit de voir plusieurs notions, telles que le Cap de Bonne-espérance, la frise chronologique, étude de texte avec enquête, les légendes, mystères (cela le passionne), la courbe des températures, etc.

Malheureusement au vu de documents sous copyright, la fiche ne sera pas partagée...

Ce post a donc pour but, d'aide mémoire, d'aide à idées... pour notre inspecteur et notre conseillère pédagogique ...




On en a profité pour justement un peu mieux comprendre pourquoi les navigateurs passaient par le Cap de Bonne Espérance, avec l'aide d'une petite vidéo :


Google map a là été encore bien sollicité et exploité ...


Quelques images pour située l'île



De qui plus est un passage sur google map s'impose !


n'oubliez pas de ziotter les photos google map sublime et certes sont pivotantes


Côté vidéo, c'est plutôt peu connu, alors une petite en français :


puis en anglais, que j'ai traduit en direct avec lui :


Les 3 types de manchots : manchot Adélie, gorfou doré et manchot à jugulaire




Enquête :

1/ L’énigme

Les Sud-afri­­cains naviguèrent tout autour de l’île à la recherche d’un emplacement suffi­­sam­­ment grand et plat, pouvant faire office de plate­­forme pour la station météo­­ro­­lo­­gique. Sans succès. Pourtant, trois ans plus tard, le brise-glace améri­­cain West­­wind jeta l’ancre près de Bouvet le 1er janvier 1958 et découvrit qu’une petite érup­­tion volca­­nique devait avoir eu lieu au cours de ces trois dernières années. La coulée de lave s’était jetée dans la mer et avait formé un plateau de lave à basse altitude, mesu­­rant envi­­ron 350 mètres de long et 180 de large.

L’île Bouvet s’était agran­­die. Avec un manque d’ins­­pi­­ra­­tion certain, les Norvé­­giens nommèrent le plateau Nyrøysa – « nouveaux gravats » – et pour cela se conten­­tèrent d’ins­­crire le nom sur leurs cartes sans se donner la peine de se rendre sur place pour l’étu­­dier.

Nous avons briè­­ve­­ment examiné les alen­­tours, pensant qu’il s’agis­­sait peut-être de naufra­­gés, mais nous n’avons trouvé aucun restes humains.

Six années passèrent qui nous amènent en 1964. Les Sud-afri­­cains, qui s’étaient enfin déci­­dés à envoyer une expé­­di­­tion pour étudier Nyrøysa, envoyèrent deux navires qui devaient se retrou­­ver à Bouvet pour le dimanche de Pâques : le RSA, navire de ravi­­taille­­ment sud-afri­­cain et le HMS Protec­­tor, brise-glace de la Royal Navy. Les membres de l’ex­­pé­­di­­tion durent attendre trois longs jours que les vents glacés qui souf­­flaient sur Nyrøysa descendent en dessous de leurs 50 nœuds habi­­tuels (90km/h). Le 2 avril, les condi­­tions furent jugées suffi­­sam­­ment clémentes pour tenter un atter­­ris­­sage en héli­­co­­ptère.

Deux des West­­land Whirl­­winds, qui station­­naient à bord du Protec­­tor, décol­­lèrent et dépo­­sèrent une équipe de recherche sur Nyrøysa. Celle-ci était diri­­gée par le capi­­taine de corvette Allan Craw­­ford, vété­­ran britan­­nique du Paci­­fique-Sud qui, peu de temps après avoir touché terre, fit une décou­­verte tout à fait inat­­ten­­due : au milieu d’un petit lagon, gardé par un ours de mer soli­­taire, barbo­­tait un bateau aban­­donné, à moitié englouti, les plats-bords submer­­gés, mais toujours en état de navi­­guer.

« “Quelle est donc l’his­­toire de cette étrange décou­­verte ?” nous sommes-nous deman­­dés. Aucun signe ne permet­­tait d’iden­­ti­­fier son origine ou sa natio­­na­­lité. À une centaine de mètres, sur les rochers, repo­­saient un fût de deux cents litres, une paire de rames ainsi que des morceaux de bois et un cais­­son de flot­­tai­­son en cuivre éven­­tré et étalé sur le sol à dessein… Nous avons briè­­ve­­ment examiné les alen­­tours, pensant qu’il s’agis­­sait peut-être de naufra­­gés, mais nous n’avons trouvé aucun restes humains. »

C’était un mystère digne des aven­­tures de Sher­­lock Holmes. Le bateau, décrit par Craw­­ford comme étant « une balei­­nière ou un canot de sauve­­tage », devait prove­­nir d’un plus gros bateau. Pour­­tant, aucune route commer­­ciale ne passait à moins de 1 600 kilo­­mètres de Bouvet. S’il s’agis­­sait réel­­le­­ment d’un canot de sauve­­tage, alors de quel bateau prove­­nait-il ? Quel exploit de navi­­ga­­tion avait pu lui permettre de parcou­­rir une si grande distance ? Comment avait-il pu survivre à la traver­­sée de l’océan Austral ? Rien n’in­­diquait qu’il avait un jour possédé un mât et une voile, ni même un moteur, et la paire de rames décou­­verte par Craw­­ford parais­­sait inapte à la manœuvre du lourd bateau de six mètres. Plus trou­­blant encore : qu’é­­tait-il arrivé à l’équi­­page ?


Photographie du canot


Malheu­­reu­­se­­ment, les membres de l’équipe n’eurent pas beau­­coup de temps pour enquê­­ter sur leur étrange décou­­verte. Ils ne restèrent que peu de temps sur l’île – envi­­ron 45 minutes d’après Craw­­ford –, et ils devaient étudier la plate­­forme, collec­­ter des échan­­tillons de roches et repous­­ser les éléphants de mer mâles agres­­sifs qui n’ap­­pré­­ciaient guère leur intru­­sion. Ils n’eurent pas le temps d’ex­­plo­­rer Nyrøysa en profon­­deur, ni de cher­­cher d’autres signes de vie. Au vu de ces contraintes, la « recherche » menée par Craw­­ford consista proba­­ble­­ment en une ronde de quelques mètres autour du lagon à la recherche des traces de passage ou d’ha­­bi­­ta­­tion les plus évidentes. Par la suite, aucun autre visi­­teur ne semble s’être inté­­ressé à la ques­­tion et il n’existe, en réalité, aucune autre mention du mysté­­rieux bateau.

Pour­­tant, deux ans plus tard, en 1966, Bouvet reçut la visite d’une équipe de biolo­­gistes qui s’était forte­­ment inté­­res­­sée au lagon. Ils établirent que le lagon alca­­lin (du fait des excré­­ments de phoque) était peu profond, chargé en algues, et qu’il était alimenté par les eaux de fonte des falaises envi­­ron­­nantes. Si le canot de survie était toujours présent, ils n’en firent pas mention.


2/Fausses routes

En réalité, personne à part Allan Craw­­ford ne semble s’être inté­­ressé à ce mystère. Je n’ai trouvé aucun article de presse récent à propos de cette histoire et aucune infor­­ma­­tion supplé­­men­­taire sur le bateau lui-même ou sur les objets retrou­­vés sur le rivage. Il exis­­te­­rait, en revanche, un ou deux récits contem­­po­­rains rela­­tant l’at­­ter­­ris­­sage, dans un ouvrage telle­­ment obscur que je n’ai pas encore pu m’en procu­­rer de copie. En bref, personne ne semble s’être demandé comment le bateau avait pu échouer là-bas, personne n’a recher­­ché les membres de son équi­­page et personne n’a tenté d’ex­­pliquer la stupé­­fiante décou­­verte de Craw­­ford.

Il nous reste à présent peu de choses pour éclair­­cir ce mystère : de maigres lignes écrites par Craw­­ford, une connais­­sance sommaire de l’his­­toire de Bouvet et quelques déduc­­tions de bon sens quant au compor­­te­­ment probable de marins naufra­­gés. On peut néan­­moins, avec ces infor­­ma­­tions, construire au moins trois hypo­­thèses qui pour­­raient expliquer la présence de la balei­­nière sur l’île.

Commençons par expo­­ser les éléments dont nous dispo­­sons. Premiè­­re­­ment, il paraît évident que le bateau a dû arri­­ver sur Bouvet durant les neuf années comprises entre janvier 1955, avant l’ap­­pa­­ri­­tion des Nouveaux Gravats, et avril 1964, soit après l’érup­­tion. La four­­chette de temps est raison­­nable, donc si la balei­­nière était bel et bien un canot de sauve­­tage, il devrait être possible de déter­­mi­­ner de quel navire celui-ci provient. Deuxiè­­me­­ment, l’équipe de recherche du Protec­­tor n’a vu aucun signe de campe­­ment, d’abri, de feu ou de nour­­ri­­ture. Troi­­siè­­me­­ment, il convient de noter la présence du lourd bateau dans un lagon situé à au moins vingt-cinq mètres du rivage. Celle-ci suggère que le bateau a atteint l’île avec un équi­­page au complet, suffi­­sam­­ment impor­­tant pour le traî­­ner au milieu du terrain acci­­denté ; ou alors, qu’il est arrivé avec un équi­­page réduit qui ne pensait pas quit­­ter l’île avant long­­temps. Au-delà de ces pistes, on ne peut que spécu­­ler, et le plus étrange à propos de ce singu­­lier inci­dent est que le peu d’élé­­ments dont nous dispo­­sons ne parvient pas entiè­­re­­ment à étayer les théo­­ries les plus évidentes.



Photo du bateau mystère par le pilote d'hélicoptère du HMS

Penchons-nous sur la première hypo­­thèse : celle du canot de sauve­­tage rescapé d’un naufrage. Ce serait sûre­­ment l’ex­­pli­­ca­­tion la plus drama­­tique et la plus roman­­tique, et elle explique­­rait certaines des notes de Craw­­ford : la présence de la balei­­nière dans le lagon (elle y aurait été trans­­por­­tée par des hommes qui ne pouvaient l’at­­ta­­cher soli­­de­­ment sur le rivage et qui ne pouvaient savoir s’ils en auraient encore besoin), et la petite pile d’équi­­pe­­ment décou­­verte sur le rivage. Qui sait à quoi pouvait servir le « cais­­son de flot­­tai­­son en cuivre », éven­­tré et déplié sur le sol, que décrit Craw­­ford ? Cela ressemble au genre de chose que pour­­rait faire un groupe d’hommes déses­­pé­­rés, aux ressources limi­­tées. La théo­­rie du canot de sauve­­tage offre égale­­ment la meilleure expli­­ca­­tion quant à la présence d’une unique paire de rames sur le rivage : celles initia­­le­­ment présentes sont passées par-dessus bord au cours d’une terrible traver­­sée.

Il y a cepen­­dant plusieurs choses qui ne collent pas à l’hy­­po­­thèse du canot de sauve­­tage, la plus évidente étant le manque flagrant d’équi­­pe­­ment et l’ab­­sence de corps et de campe­­ment. Aucune raison valable ne justi­­fie­­rait qu’un groupe de survi­­vants s’éloigne de Nyrøysa : la zone n’est pas ennei­­gée, du moins pendant l’été austral, et c’est la seule portion de l’île qui soit véri­­ta­­ble­­ment plate. Si un groupe de survi­­vants s’était cantonné à cette petite éten­­due, même une brève recherche aurait révélé des traces d’un campe­­ment, sans parler des corps.

Est-ce qu’un petit groupe aurait pu pour­­suivre sa route et mourir autre part ? Peu probable. Les impo­­santes falaises de glace de Bouvet sont parti­­cu­­liè­­re­­ment sujettes aux avalanches, et il serait très risqué de s’aven­­tu­­rer dans les terres ou de camper trop près des parois verti­­gi­­neuses qui abondent sur l’île. De plus, les phoques et les éléphants de mer, sources de nour­­ri­­ture les plus évidentes, se concentrent sur les Nouveaux Gravats. Les survi­­vants n’au­­raient pas eu besoin d’al­­ler chas­­ser ailleurs, à moins qu’ils ne soient restés sur l’île suffi­­sam­­ment long­­temps pour déci­­mer la faune locale, et dans ce cas, les traces d’un campe­­ment auraient été d’au­­tant plus visibles. Les naufra­­gés auraient laissé des vestiges de feux de camps et des restes de repas à base de phoque.

Quoi qu’il en soit, quelle est la proba­­bi­­lité qu’un groupe de marins perdus en mer parvienne jusqu’à Bouvet ? Non seule­­ment l’île est incroya­­ble­­ment diffi­­cile à loca­­li­­ser, même dans les condi­­tions les plus favo­­rables, mais elle est aussi extrê­­me­­ment éloi­­gnée des routes commer­­ciales conven­­tion­­nelles. Si l’on y ajoute son envi­­ron­­ne­­ment stérile notoire, il est diffi­­cile de s’ima­­gi­­ner qu’un groupe d’homme choi­­sisse cette alter­­na­­tive parmi d’autres, à moins qu’il ne soit confronté à la plus déses­­pé­­rée des situa­­tions.

Seul un navire ayant coulé à quelques centaines de kilo­­mètres à l’ouest de Bouvet (là où les courants domi­­nants auraient emporté les canots de sauve­­tage vers l’île) pour­­rait corres­­pondre à notre hypo­­thèse. De plus, même dans le cas d’un tel naufrage, il aurait fallu qu’un navi­­ga­­teur quali­­fié, dispo­­sant de cartes, d’ins­­tru­­ments et d’une chance inouïe, se trouve parmi les malheu­­reux survi­­vants. Cepen­­dant, si les hommes présents dans le canot de sauve­­tage avaient eu le temps de rassem­­bler leurs cartes et leurs sextants, ils auraient dû avoir le temps de rassem­­bler beau­­coup plus d’équi­­pe­­ment que celui décou­­vert sur l’île par Craw­­ford. Après tout, quel genre de naufragé réus­­sit à accos­­ter, muni seule­­ment d’un baril d’eau, d’une paire de rames et d’un flot­­teur en cuivre ?

Enfin, et c’est selon moi le plus impor­­tant, pourquoi est-ce qu’un groupe de survi­­vants, aussi bien équipé soit-il, lais­­se­­rait son bateau à l’aban­­don sur le lagon ? Il repré­­sen­­tait le seul abri à leur dispo­­si­­tion, sur une île où, même en été, les tempé­­ra­­tures tournent autour de zéro. Si l’on se souvient des hommes d’Er­­nest Shack­­le­­ton qui s’étaient retrou­­vés bloqués sur l’île de l’Élé­­phant quelques années aupa­­ra­­vant (ils avaient retourné leurs bateaux pour en faire leurs quar­­tiers), force est d’ad­­mettre que la décou­­verte du bateau dans le lagon est la preuve la plus flagrante que la balei­­nière, quelle qu’en soit la prove­­nance, n’était pas l’unique resca­­pée d’un atroce naufrage.



Il faudra attendre 1929pour qu’un refuge soit construit sur l’île

Qu’en est-il alors des autres expli­­ca­­tions ? Une deuxième suppo­­si­­tion, moins probable mais pas impos­­sible, voudrait que le bateau ait atteint Bouvet sans homme à son bord. Celui-ci se serait perdu lors d’un naufrage, se serait retourné et aurait expulsé son équi­­page par-dessus bord ; ou alors il aurait été éjecté d’un navire par une vague lors d’une tempête et aurait ensuite dérivé sur l’océan Austral, pendant des années peut-être, avant d’être rejeté sur l’île par la mer. Cette théo­­rie a le mérite d’être simple et explique certai­­ne­­ment pourquoi le bateau semblait si usé – souve­­nez-vous, « aucun signe ne permet­­tait d’iden­­ti­­fier son origine ou sa natio­­na­­lité » – ainsi que l’ab­­sence de signes de vie sur le rivage.

À part cela, cepen­­dant, l’hy­­po­­thèse du « bateau inha­­bité » n’est pas très convain­­cante. Elle est très loin d’ex­­pliquer pourquoi Craw­­ford a décou­­vert de l’équi­­pe­­ment aban­­donné sur le rivage et il est très peu plau­­sible que l’épave détrem­­pée, après des centaines, voire des milliers de kilo­­mètres de traver­­sée, s’échoue sur le rivage (vrai­­sem­­bla­­ble­­ment pendant une tempête) en évitant soigneu­­se­­ment les falaises de Bouvet, qui l’au­­raient sinon réduite en pièces. L’em­­bar­­ca­­tion serait alors arri­­vée intacte dans le seul endroit où elle ne serait pas à nouveau empor­­tée vers le large, sur une île minus­­cule et on ne peut plus isolée. Ce n’est pas comme si cette partie de l’île crou­­lait sous les débris marins. L’équipe de biolo­­giste de 1966 a d’ailleurs noté « l’ab­­sence quasi-complète de vie marine échouée sur cette partie expo­­sée de la côte occi­­den­­tale de l’île ».

Il existe une troi­­sième hypo­­thèse qui prétend que l’em­­bar­­ca­­tion aurait été aban­­don­­née, pour une raison que j’ignore, par un bateau inconnu ayant fait escale à Bouvet entre 1955 et 1964. Cette théo­­rie est la plus convain­­cante si l’on cherche à expliquer la présence de la balei­­nière. C’est exac­­te­­ment le type d’em­­bar­­ca­­tion aux usages variés qu’on utilise pour accos­­ter, et il se trouve que l’équi­­page du Trans­­vaal, quand il s’est arrêté à Bouvet en 1955, a utilisé un bateau très simi­­laire lors de leur bref séjour sur l’île.

Si le bateau aban­­donné a appro­­ché l’île à bord d’un autre navire, alors il n’y a plus besoin de crédi­­ter son équi­­page d’un invrai­­sem­­blable exploit de navi­­ga­­tion – et soyez-en sûrs, un voyage prolongé à bord d’un bateau ouvert à travers l’océan Austral n’a rien de vrai­­sem­­blable, étant données les condi­­tions météo­­ro­­lo­­giques de la région. Après tout, le voyage de 1 300 kilo­­mètres d’Er­­nest Shack­­le­­ton entre l’île de l’Élé­­phant et la Géor­­gie du Sud, à travers ce même océan, est régu­­liè­­re­­ment encensé comme l’un des plus grands exploits mari­­times de tous les temps, mais il a été accom­­pli par des hommes aux provi­­sions suffi­­santes, dispo­­sant de tout le maté­­riel néces­­saire et dotés d’un bateau fermé avec un pont empê­­chant les vagues de passer par-dessus bord.

On peut suppo­­ser, par exemple, qu’un groupe d’hommes ait accosté avec deux bateaux, mais qu’il soit reparti avec un seul d’entre eux.

La théo­­rie du bateau aban­­donné par une équipe d’ex­­plo­­ra­­tion dispose d’un autre avan­­tage : elle explique l’ab­­sence de corps, de campe­­ment et de quan­­ti­­tés impor­­tantes de maté­­riel. On peut suppo­­ser, par exemple, qu’un groupe d’hommes ait accosté avec deux bateaux, mais qu’il soit reparti avec un seul d’entre eux, empor­­tant avec lui l’équi­­pe­­ment – ainsi que les corps des défunts, j’ima­­gine. Ou peut-être ont-ils accosté avec un seul bateau et se sont-ils fait évacuer par la suite en héli­­co­­ptère. De plus, si l’équipe a débarqué dans les années 1950, il n’est pas si invrai­­sem­­blable d’ima­­gi­­ner que cinq ou six des rigou­­reux hivers de l’île aient suffit à effa­­cer le nom et les diffé­­rentes marques que le bateau possé­­dait autre­­fois.

Toute­­fois, même cette expli­­ca­­tion, aussi intel­­lec­­tuel­­le­­ment satis­­fai­­sante soit-elle, n’est pas sans failles. Quel genre d’ex­­pé­­di­­tion de longue durée prévoit que ses hommes aient à trans­­por­­ter un large bateau dans le lagon ? Les hommes de Craw­­ford ont, après tout, fait ce qu’ils avaient à faire en moins d’une heure. Quel genre d’ex­­pé­­di­­tion débarque sur une île trans­­por­­tant un cais­­son de flot­­tai­­son en cuivre ? Et quel genre d’ex­­pé­­di­­tion se verrait forcée, par manque d’équi­­pe­­ment, d’im­­pro­­vi­­ser en apla­­tis­­sant au marteau ce même cais­­son ?

Effec­­ti­­ve­­ment, plus on étudie cette piste en profon­­deur, sédui­­sante de prime abord, plus on soulève de ques­­tions. La plus impor­­tante de toutes étant : pourquoi une équipe d’ex­­plo­­ra­­tion aban­­don­­ne­­rait-elle sur place un bateau d’une telle valeur ? Il faut savoir que les balei­­nières sont des embar­­ca­­tions qui coûtent cher et dont l’aban­­don doit être justi­­fié. On pour­­rait bien sûr suppo­­ser que le bateau a dû être aban­­donné dans l’ur­­gence, mais si la météo était trop mauvaise pour le remettre à flot, l’équipe d’ex­­plo­­ra­­tion n’au­­rait pas évacué l’île à bord d’un second bateau ou même d’un héli­­co­­ptère. On peut aussi imagi­­ner le cas d’un acci­dent deman­­dant l’éva­­cua­­tion immé­­diate d’un blessé par héli­­co­­ptère et lais­­sant sur l’île trop peu d’hommes pour manœu­­vrer le bateau, mais pourquoi alors l’équipe aurait-elle embarqué l’en­­semble de l’équi­­pe­­ment et laissé une seule paire de rames ? Pourquoi ne serait-elle pas reve­­nue plus tard pour récu­­pé­­rer les rames et la balei­­nière ?

Et pourquoi accos­­ter en bateau si un héli­­co­­ptère était à dispo­­si­­tion depuis le départ ?










3/Mystère

De toute évidence, des recherches supplé­­men­­taires sont néces­­saires si l’on veut se diri­­ger dans la bonne direc­­tion. La plupart de la docu­­men­­ta­­tion existe bien, mais elle requiert un travail labo­­rieux : il y a par exemple des réper­­toires recen­­sant l’en­­semble des naufrages et des catas­­trophes nautiques connus entre 1955 et 1964. Ces ouvrages, cepen­­dant, lorsqu’on les consulte, se trouvent être orga­­ni­­sés de la pire des manières : alpha­­bé­­tique­­ment, suivant le nom des bateaux et sans système de réfé­­ren­­ce­­ment croisé, par date ou par lieu. Cela signi­­fie que la seule façon de loca­­li­­ser un naufrage qui pour­­rait être le bon candi­­dat pour notre énigme est de lire l’en­­semble des trois énormes volumes, couvrant l’al­­pha­­bet de A à Z.

À cause de cette limi­­ta­­tion (et de ma réti­­cence invé­­té­­rée à consa­­crer deux jours à éplu­­cher 800 pages de minus­­cules carac­­tères à la recherche d’une infor­­ma­­tion que je ne trou­­ve­­rai proba­­ble­­ment pas), la seule chose que je puisse affir­­mer, après avoir parcouru les pages perti­­nentes d’un seul des trois volumes, est la suivante : les seuls naufrages suscep­­tibles d’avoir laissé un groupe d’hommes à bord d’un canot de survie en proie à l’océan Austral ont dû avoir lieu avant la fin de l’an­­née 1962. Aucun des naufrages ayant eu lieu entre janvier 1963 et mars 1964 ne corres­­pond, même de loin, à notre situa­­tion.




Il reste un autre point évident sur lequel nous pouvons avan­­cer dans notre enquête : celui de savoir qui d’autre aurait bien pu se rendre sur Bouvet entre 1955 et 1964. À première vue, il paraît impro­­bable qu’une telle expé­­di­­tion incon­­nue ait jamais eu lieu. L’île, après tout, a souvent connu de longues périodes sans visi­­teurs humains. Il existe en vérité des traces liées à au moins deux expé­­di­­tions qui auraient pu, théo­­rique­­ment du moins, aban­­don­­ner une balei­­nière dans le lagon.

La première, et de très loin la moins probable, est aussi la plus mysté­­rieuse. Alors qu’Al­­lan Craw­­ford travaillait au Cap en mai 1959, il reçut la visite d’un Italien qui se faisait appe­­ler Comte  Lieu­­te­­nant Gior­­gio Costanzo Becca­­ria. Celui-ci lui demanda des conseils sur l’af­­frè­­te­­ment d’un navire à desti­­na­­tion de Bouvet et lui expliqua qu’il cher­­chait à aider le Profes­­seur Silvio Zavatti, qui voulait se rendre sur l’île pour y diri­­ger une étude scien­­ti­­fique.

Craw­­ford fit ce qu’il put pour aider l’Ita­­lien à obte­­nir un navire appro­­prié, mais sans succès. Le Comte rentra alors en Italie. Pour­­tant, en juin 1960, Craw­­ford reçut une lettre étrange de la part du Profes­­seur Zavatti lui-même, dans laquelle il préten­­dait s’être rendu au large de Bouvet, mais égale­­ment y avoir mis les pieds en 1959.

La lettre prit Craw­­ford par surprise, dans la mesure où il ne connais­­sait aucun bateau sud-afri­­cain que les Italiens auraient pu affré­­ter. Il écri­­vit alors à Costanzo et reçut une lettre qui démen­­tait qu’une telle expé­­di­­tion avait jamais eu lieu. Pour­­tant, Zavatti four­­nit des détails supplé­­men­­taires et publia même un livre, Viaggo All « Isola Bouvet », dans lequel il décri­­vait ses aven­­tures. Cet ouvrage, comme le faisait sèche­­ment remarquer Craw­­ford, fut écrit à desti­­na­­tion des enfants et n’est illus­­tré que d’une unique photo « de phoque, qui aurait pu être prise dans n’im­­porte quel zoo ». Il conclut en disant que toute cette histoire n’était qu’un canu­­lar. Enfin, si l’ex­­pé­­di­­tion de Zavetti avait réel­­le­­ment eu lieu, rien parmi les preuves que possé­­dait Craw­­ford, n’in­­dique qu’une balei­­nière aurait été aban­­don­­née sur l’île.

J’ai toute­­fois déni­­ché une piste autre­­ment plus promet­­teuse dans une biblio­­gra­­phie sur les recherches scien­­ti­­fiques sur l’île Bouvet. Une courte réfé­­rence suggère qu’en 1959, cinq ans avant l’ar­­ri­­vée des Sud-afri­­cains (et cela concorde effec­­ti­­ve­­ment avec les obser­­va­­tions de Craw­­ford quant à la présence d’une balei­­nière usée et érodée, sans signe d’iden­­ti­­fi­­ca­­tion), une expé­­di­­tion sovié­­tique, dont faisait partie un certain G. A. Solya­­nik, effec­­tua des obser­­va­­tions orni­­tho­­lo­­giques sur l’île Bouvet. C’est ce qu’in­­dique en tout cas le titre de l’ar­­ticle de Solya­­nik (que je n’ai pas encore pu exami­­ner) : « Obser­­va­­tions d’oi­­seaux sur l’île Bouvet ». Il fut publié en 1964 dans un jour­­nal parti­­cu­­liè­­re­­ment diffi­­cile à se procu­­rer, le Bulle­­tin d’in­­for­­ma­­tion des expé­­di­­tions antar­c­­tiques sovié­­tiques.

Un rapide coup d’œil sur le web confirme que Solya­­nik a au moins existé. Il était cher­­cheur à la station de recherche biolo­­gique d’Odessa et il parti­­cipa à la première Expé­­di­­tion antar­c­­tique sovié­­tique (1955–1958), orga­­ni­­sée pour coïn­­ci­­der avec l’An­­née géophy­­sique inter­­­na­­tio­­nale, en 1957. L’ex­­pé­­di­­tion navi­­gua à bord du brise-glace Ob’, suffi­­sam­­ment grand pour trans­­por­­ter des balei­­nières, et retrouva deux balei­­niers russes, le Slava et l’Ivan Nosenko, pour établir deux stations litto­­rales en Antar­c­­tique. Comme pour l’hy­­po­­thé­­tique expé­­di­­tion italienne, le calen­­drier semble corres­­pondre et justi­­fie­­rait la présence de la balei­­nière aban­­don­­née et érodée, retrou­­vée six ou huit ans plus tard.

De plus, étant donné le secret qui entou­­rait les agis­­se­­ments des Sovié­­tiques à l’apo­­gée de la guerre froide, il ne serait pas surpre­­nant de décou­­vrir qu’ils furent parti­­cu­­liè­­re­­ment produc­­tifs en Antar­c­­tique, sans que les Britan­­niques et les Sud-afri­­cains ne fussent au courant.

Mais tout cela demeure extrê­­me­­ment incer­­tain et une recherche appro­­fon­­die est encore néces­­saire. La théo­­rie sovié­­tique ne répond clai­­re­­ment pas à toutes les ques­­tions posées précé­­dem­­ment dans cet article, et je ne suis moi-même pas sûr que les Russes aient réel­­le­­ment posé le pied sur l’île Bouvet – et si c’est le cas, si un inci­dent les a pous­­sés à aban­­don­­ner leur équi­­pe­­ment.

Si je devais abso­­lu­­ment choi­­sir une réponse, je dirais que l’ex­­pli­­ca­­tion la plus probable de la mysté­­rieuse décou­­verte d’Al­­lan Craw­­ford du 2 avril 1964 se trouve dans les souve­­nirs d’un orni­­tho­­logue russe vieillis­­sant, ou dans un audit de l’in­­ven­­taire du brise-glace Ob’, depuis long­­temps oublié dans les obscures archives sovié­­tiques…



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Voici donc si on reste côté scène française, un mystère non résolue, en cherchant un peu plus l'auteur Mike Dash, j'ai trouvé des commentaires fort intéressants qui n'ont pas été traduites ....


La suite donc de notre enquête :

En 1962, le passionné de radio amateur Gus Browning est venu sur l'île de Bouvet pour y lancer les premières transmissions radio à partir de cette île si reculée. Un voyage effectué par des opérateurs de radio amateur avec du temps et de l'argent à disposition, pour se rendre dans les coins reculés du globe afin d'y établir un contact radio avec d'autres radio amateur du monde entier s'appelle une DXpedition. Browning (W4BPD) s'est rendu à Bouvet lors de son deuxième DXpedition, du 26 au 28 novembre 1962. Selon sa propre description, il a atterri à Cape Circoncision, dans une zone plate de la taille de deux terrains de football. Cela devait être Nyrøysa, la seule surface plane de la région, et idéalement placée pour ce but. Les signaux radio vers l'Asie sont bloqués de ce point là par l'île, mais l'Amérique et l'Europe auraient été joignables. Browning avait apporté avec lui, un grand réservoir d'essence - 166 litres -ce qui correspond à peu près au bidon retrouvé. Le flotteur en cuivre, que l'on peut ouvrir et de forme aplatie, aurait été très utile pour mettre à la terre son antenne, bien qu'il semble étrange d'apporter avec soi des articles endommagés lors d'une telle expédition... Browning avait à sa disposition un élévateur sur son brise-glace, et a rejoint l'île en canot de sauvetage. Puis, le canot est revenu trois jours plus tard pour le récupérer. Il est donc revenu en toute sécurité et n'a jamais mentionné une telle catastrophe. Ainsi donc, ce n'était certainement pas son canot qui a été retrouvé....









Guy Browning


5/Elémentaire mon cher Watson !

On revient un peu en arrière dans le temps. Tout commence en ce novembre 1958, lorsqu'un navire soviétique visite l'île Bouvet lors d'une expédition ornithologique. Un rapport a été publié dans le Bulletin d'information de l'expédition soviétique en Antarctique, volume 13 (1959), pages 97-99, par Gennady Solyanik, avec le titre passionnant "Quelques observations d'oiseaux sur l'île Bouvet". Le navire, le "Slava-9", faisait partie de la flotte baleinière soviétique, mais leurs travaux scientifiques ont été effectués dans le cadre de l' Année géophysique internationale . Slava-9 aurait eu deux bateaux à rames, chacun pouvant transporter 24 hommes.

Un groupe de 10 hommes, scientifiques et marins, dont Solyanik, a débarqué près de Cape Circoncision. Encore une fois, c'était presque certainement sur le Nyrøysa nouvellement formé, et qui était de loin le meilleur site d'atterrissage. Peu de temps après leur arrivée, un ouragan a commencé, empêchant ainsi leur retour. Le bateau n'ayant pas pu arriver à temps. Ils y sont donc restés trois jours, du temps qui sera consacré à plus d'observations d'oiseaux que prévu ! Lorsque la tempête s'est finalement calmée, ils ont été évacués avec l'hélicoptère Mi-1MG embarqué sur le Slava-9. Le pilote d'hélicoptère était Averyan Rzhevskiy, qui a relaté plus tard cet événement. Le canot a donc été laissé derrière et a trouvé son dernier lieu de repos sur ce lieu. Quant au lagon, il n'est peut-être plus encore là : la chute de roches l'aurait remblayé avec le temps, et la tempête aurait rempli la dépression - et ainsi donc le bateau - d'eau.



Slava 9


Quant à Gus Browning, il a bien dû débarquer au même endroit que les chercheurs soviétiques et trouvé le camp laissé par la précédente expédition. Après quatre années, le bateau devait déjà être en bien mauvais état. La boîte en cuivre qui a été utilisée comme dispositif de flottaison sur le bateau. Browning l'a trouvé, et l'a utilisé à bon escient (pour mettre à la terre son antenne) puis a ajouté ses propres débris au campement. Cependant, il n'a jamais rien rapporté de cela - pour lui, seule la radio amateur a compté. Il laisse ainsi un double mystère et devient un le charognard de la Marie Celeste de l'île Bouvet....






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